Olivier Haralambon est notamment l’auteur du Coureur et son ombre (2017) et de Mes coureurs imaginaires (2020).
Photo © Olivier Haralambon.
Être confiné, c’est le point de recul maximal sur la société de ses semblables. C’est être non pas replié sur soi et sur son intérieur : c’est être à la fenêtre. Ce recul nous laisse libre d’imaginer la vie de nos voisins, quand la proximité endormait notre curiosité. Finalement : qui sont-ils ?
L’appartement est orienté à l’est. Le matin, les vitres sont sales. Mais le soir venu, elles n’enlèvent presque rien à l’éclat de la nuit. Là-bas on voit la forêt s’effondrer vers la Seine, et les maisons qui bientôt se dissémineront à nouveau dans la touffeur cossue des arbres. Sous les yeux s’étalent, blanches perpendicularités, les immeubles de la résidence.
On y voit s’agiter ses voisins comme autant d’organes plus ou moins palpitants après injection d’un produit de contraste. Ici les hommes vivent depuis longtemps, dans ces calendriers de l’avent, dans ces boîtes électrifiées empilées les unes sur les autres. Derrière leurs fenêtres ils rangent leur cuisine à la même heure, seuls derrière les vitres, chacun face à l’impensable multitude de ses semblables. Les quelques gouttes qui tombent dans les éviers bien nettoyés sonnent le début de la traversée nocturne.
Dans ces boîtes expérimentales les humains se reproduisent et s’assassinent, regardent les jours passer devant la fenêtre. Ils s’y nourrissent et ils y font leurs crottes de souris, ils s’y lavent, y compulsent des images. Ils s’y laissent envahir par le sommeil et les rêves. C’est là, là-dedans qu’ils s’aiment et que sous l’empilement des plafonds qui les coupent du ciel, ils s’interrogent sur l’existence de Dieu en rangeant la vaisselle.
Une réflexion sur “Nos vies dans les boîtes, par Olivier Haralambon”